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MARDI 17 DÉCEMBRE 2019Santé au travail
Les salariés et les élus du CSE peuvent alerter l’employeur en cas de danger grave et imminent pour la santé. La CFTC vous explique comment exercer ce droit d’alerte.
Le Code du travail oblige chaque employeur à prendre les mesures nécessaires à la sécurité et à la santé physique et mentale de ses salariés. En parallèle, la loi prévoit que tous les salariés, ainsi que leurs représentants dans l’entreprise, puissent alerter l’employeur en cas de danger grave et imminent. De ce droit d’alerte découle un droit de retrait : le salarié est autorisé à stopper son activité jusqu’à ce que le danger soit écarté. À quel moment alerter ? Comment procéder ? Que changent l’arrivée du CSE et la disparition du CHSCT ? La CFTC vous informe sur vos droits et les procédures à respecter.
Droit d’alerte et droit de retrait : quand les exercer ?
Le droit d’alerte et le droit de retrait du salarié
Le droit d’alerte est un droit accordé à tout salarié. Il l’autorise à prévenir son employeur en cas de situation “dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé” (article L. 4131-1 du code du travail).
Le droit de retrait fait suite au droit d’alerte. Il permet à un salarié de cesser toute activité si ses conditions de travail menacent sa vie ou sa santé, sans encourir de sanctions. Il est à différencier du droit de grève. Afin d’éviter toute conséquence en chaîne (l’absence d’un salarié pouvant entraîner de nouveaux risques pour ses collègues), le droit de retrait s’exerce souvent de manière collective.
À noter : le salarié peut prendre l’initiative d’alerter son employeur seul, même si les représentants du personnel n’ont pas fait valoir leur propre droit d’alerte.
La notion de danger grave et imminent
La gravité et l’imminence du danger ne sont pas toujours simples à évaluer. La notion de danger grave et imminent semble surtout caractériser une situation exceptionnelle, menaçant la vie ou la santé du salarié, et nécessitant une réponse immédiate de l’employeur.
En cas de contestation, il conviendra de prouver la bonne foi du salarié et non l’existence effective d’un danger grave et imminent. Selon la loi, le salarié exerce légitimement ses droits d’alerte et de retrait dès lors qu’il a un motif raisonnable de penser qu’un tel danger existe et menace sa santé ou sa sécurité.
Droit d’alerte et droit de retrait : dans quelles situations ?
Concrètement, le danger peut émaner des outils et processus de fabrication, des conditions de travail, du comportement des salariés ou des usagers… Les situations pouvant justifier le recours aux droits d’alerte et de retrait du salarié sont très variées. Elles supposent d’être appréciées au cas par cas.
La cause du danger peut être extérieure au travailleur et concerner l’ensemble d’un service ou d’une entreprise (exemple : une machine défectueuse), ou bien être propre au travailleur (par exemple, une salariée enceinte doit manipuler des produits toxiques). Le danger peut aussi prendre la forme de risques psychosociaux, plus insidieux et souvent moins visibles, comme dans les cas de violence au travail, de harcèlement moral ou de stress trop important.
Alerter en cas de danger : la procédure à suivre
Le signalement à l’employeur
Le salarié peut alerter directement l’employeur ou son représentant, idéalement par écrit même si la loi ne l’impose pas.
S’il souhaite exercer son droit de retrait, il doit obligatoirement prévenir l’employeur avant de quitter son poste (par le moyen de son choix là aussi).
Le Code du travail n’impose pas non plus de formalisme aux représentants du personnel qui décident d’exercer leur droit d’alerte. Néanmoins, par souci de crédibilité et de traçabilité, les membres du CSE ont tout intérêt à alerter l’employeur par écrit. Objectif : attirer son attention pour mettre fin au problème dans les plus brefs délais. Les faits constatés, les préjudices causés et les risques encourus devront être exposés avec précision.
Le rôle des représentants du personnel et le droit d’alerte du CSE
Pour exercer son droit d’alerte, un salarié peut également passer par les élus du CSE. Ils pourront alors exercer leur propre droit d’alerte et signaler le danger à l’employeur. Plus qu’un droit, c’est un engagement vis-à-vis des salariés : les représentants du personnel doivent alerter l’employeur dès qu’ils constatent (par l’intermédiaire ou non d’un salarié) une atteinte aux droits des travailleurs, à leur santé physique et mentale, ou encore à leurs libertés individuelles. Ce droit d’alerte s’exerce aussi en cas de danger grave et imminent.
Le CSE dispose d’un droit d’alerte plus étendu que celui du salarié. Il est notamment élargi au risque grave en matière de santé publique ou d’environnement (droit d’alerte qui appartenait auparavant au CHSCT). Aux côtés des salariés, les membres du CSE ont un vrai rôle d’expertise à jouer, dans l’évaluation des conditions de travail, la prévention et le signalement des différents risques.
BIEN COMPRENDRE
Avant l’entrée en vigueur des ordonnances Macron, le droit d’alerte en cas d’atteinte aux droits des personnes était attribué aux délégués du personnel. Le droit d’alerte en cas de danger grave et imminent revenait quant à lui au CHSCT (comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) dans les entreprises de plus de 50 salariés.
C’est désormais le CSE (comité social et économique), unique instance représentative du personnel, qui exerce l’ensemble des droits d’alerte liés à la santé, à la sécurité et aux conditions de travail des salariés.
Et après ? Conséquences du droit d’alerte pour l’employeur et le salarié
Suite à l’alerte du salarié ou du CSE, l’employeur doit prendre toutes les dispositions nécessaires afin de remédier, au plus vite, à la situation. Une enquête doit être diligentée “sans délai” avec les représentants du personnel. Elle peut notamment prendre la forme d’entretiens (salariés directement concernés, témoins éventuels…) ou d’une visite sur les lieux de l’incident. Si l’employeur tarde à réagir ou n’applique pas la procédure, le CSE peut l’assigner en justice devant le conseil de prud’hommes.
L’entreprise ne peut pas obliger le salarié à reprendre son activité tant que le danger n’est pas écarté. Si l’employeur ne prend pas les mesures nécessaires, sa responsabilité pénale est engagée.
Enfin, l’employeur ne peut pas sanctionner le salarié qui exerce son droit de retrait de manière légitime, ni opérer de retenue sur salaire. Le salarié continue de percevoir l’intégralité de sa rémunération.
FOCUS : LES LANCEURS D’ALERTE
Selon la loi Sapin de 2016, le lanceur d’alerte désigne celui qui signale des activités portant atteinte à l’intérêt général, par le biais d’informations dont il a pris connaissance dans l’exercice de ses fonctions. De bonne foi et désintéressée, son action vise à alerter les acteurs concernés et à écarter le danger. Dans les cas les plus médiatiques et spectaculaires, l’objectif est souvent de “faire éclater un scandale”. Les lanceurs d’alerte participent de cette manière à sensibiliser l’opinion publique, notamment en matière de risques sanitaires et environnementaux.
Leur protection a récemment été renforcée par une nouvelle directive de l’Union européenne : au sein des pays membres, les lanceurs d’alerte ne pourront plus faire l’objet de représailles. En France, la maison des lanceurs d’alerte a été créée en 2018. Objectif : leur apporter l’accompagnement psychologique, social et juridique dont ils étaient parfois privés.